Faut-il se méfier des applications nutrition ?

Pour quoi je vous parle de ce sujet ?

C’est un sujet qui revient régulièrement lors de mes consultations. « Je prends en main mon alimentation, j’ai téléchargé une application et je scanne tous les produits que je consomme. Qu’en pensez-vous ? »

En effet, depuis quelques années plusieurs applications nutrition se sont développées. Le principe de base est intéressant. Nous aider à décrypter les étiquettes nutritionnelles afin de faire de bons choix quant aux produits que nous consommons. Car il est vrai que ce n’est pas une tâche aisée de comprendre ce qui se cache derrière certaines listes d’ingrédients.

Dans cet article, je vais m’intéresser à ces applications nutrition et plus particulièrement à trois d’entre elles. Yuka, puisque c’est la plus connue. Open Food Facts, qui se base sur une communauté. Et Scan Up, car elle utilise la classification Siga (degré de transformation des produits alimentaires).

Je vous explique tout ça tout de suite et nous allons commencer par les critères sur lesquels ces applications se basent pour trier, noter, comparer voir proposer des alternatives.

Les critères

Nous allons le voir, le champ des critères comparés est vaste. Pour autant tous ne se valent pas forcément.

 

1-Le nutriscore

Le nutriscore est un système de notation mis en place en 2016. L’objectif est de permettre aux consommateurs de différencier en un coup d’œil les produits alimentaires de bonne qualité nutritionnelle des mauvais. Un système de couleur et de lettre permet de noter les denrées. Du vert qui est associé à la lettre A et à un produit de bonne qualité, au rouge qui est associé à la lettre E et à un produit de moins bonne qualité.

nutriscore_logo

La note d’un produit est déterminée en fonction des recommandations du PNNS (Programme National Nutrition Santé), à savoir :

  • Privilégier la consommation de fruits, de légumes, de fibres et de protéines
  • Limiter la consommation de produits caloriques, riches en graisses (acides gras saturés), en sucre et en sel

Mais le PNNS met également en avant la consommation importante de produits laitiers et de féculents. Ce qui ne me plait pas forcément.

Ce logo est apposé sur les produits transformés. Les produits bruts ou peu transformés n’en ont pas la nécessité. Ces derniers sont reconnaissables du fait qu’ils proviennent directement de la nature ou des animaux, sans recombinaison de plusieurs ingrédients.

Mais on ne trouve pas pour autant ce logo sur tous les produits transformés puisque son affichage est facultatif. Imaginez à quoi ressembleraient les rayons d’un supermarché avec un nutriscore sur chaque produit. Beaucoup seraient à éviter, comme par exemple celui des céréales pour le petit déjeuner des enfants, de certains plats préparés pour votre déjeuner au travail, celui des chips ou autres gâteaux apéritif. Et la liste est encore longue !

Certains industriels ont alors modifiés la composition de leurs produits afin d’obtenir une meilleure note. Je vous laisse en juger par vous-même.

Recette de base, notée D
Recette nutriscore-compatible, notée A
  • La poudre chocolatée classique contient du sucre en majorité, 21.3% de cacao maigre d’origines variées et des additifs, pour un nutriscore D.
  • La version allégée en sucres contient de la maltodextrine*, du sucre, de la dextrine de maïs*, 17% de cacao maigre d’origines variées, du sirop de glucose* et les mêmes additifs que dans la première version.

*Non considérés comme du sucre, mais comme des additifs, ces ingrédients ont pourtant un réel impact sur la glycémie et sont produits en usine par hydrolyse d’amidon ou de fécule…

Au final, plus de glucides et moins de cacao permet d’atteindre la très bonne note de A. Voilà qui met en lumière la faiblesse et les limites du nutriscore.

La meilleure façon de savoir ce que l’on met dans notre assiette et celle de nos enfants est certainement d’apprendre à lire les étiquettes nutritionnelles et de privilégier un maximum les produits bruts et peu transformés.

 

2-Le degré de transformation

Les 2 classifications suivantes partent du principe qu’un aliment ne peut pas être réduit à sa qualité nutritionnelle (apport calorique, quantité de glucides, de lipides, de protéines, de micronutriments) mais qu’il faut également prendre en compte la qualité globale de l’aliment. On passe donc d’une vision réductionniste à une approche plus globale pour rééquilibrer nos assiettes.

 

    • La classification nova

Carlos Monteiro, professeur de nutrition et de santé publique à l’université de Sao Paulo au Brésil a élaboré cette classification en 2010, elle permet de répartir les aliments en quatre groupes, en fonction de leur degré de transformation. Le Docteur Anthony Fardet, chercheur en nutrition préventive, l’explique dans son livre « Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai » dont vous pouvez lire un extrait ici.

– Le groupe 1 : les aliments bruts ou peu transformés

On y trouve la viande, le poisson, les œufs, le lait, les yaourts natures, le beurre, le café, les épices, les céréales, les fruits, les légumes ou encore les graines oléagineuses.

– Le groupe 2 : les ingrédients culinaires

Ce sont des produits obtenus suite à certaines transformations physiques des aliments du groupe 1. Ce sont les huiles végétales, le sucre, le vinaigre, la farine, le miel, etc…

– Le groupe 3 : Les aliments transformés

Ce sont des aliments constitués de 1 ou 2 ingrédients, ayant subi des transformations simples. Ce sont par exemple le pain, le fromage, les légumes natures en conserve, la bière, le vin, etc…

– Le groupe 4 : Les aliments ultra-transformés

Ils sont notamment réalisés à partir de 5 ingrédients ou beaucoup plus, qui sont passés par beaucoup d’étapes de transformation et qui contiennent des additifs. On y trouve les margarines, les pâtes à tartiner, les nuggets, les yaourts aux fruits, le pain de mie, les plats cuisinés et bien d’autres encore.

Concept simple et intéressant. Lorsque le niveau de transformation des aliments vous sera familier, vous saurez naturellement déterminer le groupe de n’importe quel produit.

 

    • La classification siga

Créée par une équipe française, elle prend en compte le degré de transformation des ingrédients qui composent le produit, la composition nutritionnelle et évalue également le risque des ingrédients et additifs présents.

On y trouve 3 groupes principaux, divisés en sous-groupes (niveau 1 à 7).

Les aliments pas ou peu transformés en vert clair :

Ce sont les produits bruts (niveau 1) comme par exemple la viande, le poisson, les œufs, les fruits, les légumes, le riz, les lentilles. Lorsqu’ils sont légèrement transformés, par des procédés simples (cuisson, pressage, etc) on obtient des produits peu transformés (niveau 2).

Les aliments transformés en vert foncé et marron :

En vert foncé ce sont des aliments transformés « équilibrés » (niveau 3) tandis qu’en marron ils sont « gourmands » (niveau 4). C’est-à-dire que la valeur nutritionnelle finale de ces derniers présente des quantités élevées de sucre, de graisses et /ou de sel.

Les aliments ultra-transformés 1, 2 et 3 :

En bleu clair ce sont des aliments ultra-transformés 1 « équilibre » (niveau 5), qui contiennent un seul marqueur d’ultra-transformation et un profil nutritionnel équilibré.

En bleu foncé ce sont des produits ultra-transformés 1 « gourmands » (niveau 6), qui contiennent un seul marqueur d’ultra-transformation et des quantités élevées de sucre, de graisses et /ou de sel.

En noir ils sont ultra transformés 2 et 3 (niveau 7), leur consommation n’est pas recommandée et doit être occasionnelle.

Des médailles sont également attribuées aux produits, la médaille d’or pour les recettes les plus simples et celle d’argent pour les produits qui se distinguent des concurrents du fait de leur composition.

Ces deux classifications sont vraiment intéressantes. Lorsque j’apprends à mes patients à lire les étiquettes des produits qu’ils consomment, ils me disent souvent ne regarder que le tableau des valeurs nutritionnelles.

En effet, c’est bien de le regarder et de pouvoir le comprendre. Mais c’est aussi important, voir plus de regarder la liste des ingrédients. Quand on sait qu’une mousse au chocolat maison ne contient que du chocolat et des œufs alors que certaines du commerce contiennent plus de 8 ingrédients (notamment de la gélatine de porc).

 

3-Les additifs

Un additif alimentaire est une substance ajoutée aux denrées, dans le but d’améliorer la texture, la couleur, le goût, etc. Ils peuvent être naturels ou de synthèse et sont plus de 300 à être autorisés dans l’Union Européenne. Avant d’obtenir cette autorisation, un additif doit être évalué par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Ils peuvent être classés en différents groupes : les colorants, les conservateurs, les exhausteurs de goût, les édulcorants.

Les noms compliqués que vous trouvez dans la liste d’ingrédients des produits que vous consommez sont donc des substances testées et autorisées pour la consommation humaine.

Certains sont inoffensifs, d’autres seraient plutôt à éviter car ils pourraient induire des effets néfastes. Si cela vous intéresse, vous retrouverez la liste des additifs autorisés en Europe ainsi que leur degré de dangerosité ici. . Sur ce site internet vous pouvez également avoir plus d’informations sur chacun d’entre eux.

Plus de 300 additifs, ça va prendre du temps de déchiffrer les étiquettes des produits disponibles en magasin. Comme nous l’avons vu plus haut, un produit ultra transformé se reconnaît notamment de par sa grande liste d’ingrédients. Alors il peut être plus facile de choisir ceux dont la composition nutritionnelle est courte, qui contiennent des ingrédients dont on comprend l’origine ou si possible de cuisiner soi-même.

 

4-Le fait que le produit soit biologique ou conventionnel

logo bio

L’agriculture biologique est un mode de production plus durable qui respecte mieux l’environnement ainsi que les conditions de vie des animaux. Pour le consommateur, manger bio permet de limiter l’exposition aux pesticides, qui sont néfastes pour l’organisme. Certains producteurs privilégient également les circuits courts afin de préserver les qualités nutritionnelles de leurs produits.                             

Consommer des produits bio signifie donc consommer des produits de meilleur qualité (normalement). Pour certains c’est également un mode de vie. C’est choisir des produits qui respectent votre santé, c’est participer à la préservation de l’environnement, c’est contribuer à une rémunération juste des producteurs.

Ces dernières années, vous avez pu constater comme moi que les produits bio sont de plus en plus nombreux dans les grandes et moyennes surfaces. Les industriels l’ont bien compris, le bio est à la mode. Ils ne peuvent donc pas passer à côté. Alors certes leurs produits sont estampillés « Agriculture Biologique », malheureusement ils ne respectent pas toujours les valeurs du bio. La politique de prix toujours plus bas se fait alors au détriment de la qualité avec des produits importés et des agriculteurs mal rémunérés.

Si vous vivez en Bretagne, en Auvergne, en Rhône Alpes ou dans le Pays de la Loire, la maison de la bio répertorie les points de vente de produits bio locaux.

 

Zoom sur 3 applications nutrition

Nous allons maintenant voir quels critères sont pris en compte par chacune des applications et comment elles les utilisent.

 

1-Open Food Facts

C’est une base de données participative sur les produits alimentaires, elle existe depuis 2012. Vous pouvez scanner un produit afin d’avoir accès à ses informations nutritionnelles, et s’il n’est pas déjà entré dans la base de données vous pouvez le faire vous-même afin d’enrichir le catalogue. Il est également possible de faire une recherche par catégorie d’ingrédients (aides culinaires, aliments pour bébé, etc) ou par additif. Il est alors facile de savoir dans quels produits se trouve un additif en particulier, certains provoquant des réactions d’allergie, d’intolérance, ou encore une hyperactivité chez l’enfant.

Pour chaque denrée il y a plusieurs informations :

– La classification Nova

– La liste des ingrédients

– Les additifs ainsi que leur risque éventuel de surexposition

– Le nutriscore

– La valeur nutritionnelle pour 100g de produit

Mousse au chocolat

Cette application est très complète et se contente de donner l’information. Vous êtes ainsi informé(e)s du degré de transformation du produit et du nutriscore. Ce dernier facilite la lecture des valeurs nutritionnelles puisque des couleurs vous indiquent si la quantité de matières grasses, de graisses saturées, de sucre et de sel est satisfaisante ou trop élevée. Puis la liste des ingrédients ainsi que des additifs est plus lisible que sur certains emballages.

Open food facts permet d’avoir accès à une base de données intéressante. Toutes les informations sont présentes pour juger de la qualité nutritionnelle d’un produit.

 

2-Scan-up

Scan up

Le principe reste le même, vous scannez le produit que vous avez entre les mains ou vous pouvez faire une recherche par catégorie à partir du catalogue.

Pour chaque denrée, il y a plusieurs informations :

– La classification siga

– Le nutriscore

– Les additifs

– La liste des ingrédients

Concernant les plats préparés, certains obtiennent une très bonne note du fait du degré de transformation qui reste simple et de la liste des ingrédients qui est en effet correcte. Cependant je pense qu’il faut tout de même limiter la consommation de ce type de produits. La proportion féculents, protéines et végétaux n’étant pas idéale.

Les informations prises en compte dans cette application sont globalement les mêmes que dans « Open Food Facts ». La classification Siga est un peu plus élaborée que la classification nova et peut paraitre plus difficile à comprendre aux premiers abords. Je vous rassure, on s’y habitue rapidement. La synthèse facilite la compréhension avec un système de couleur et de smileys.

On trouve également la liste des ingrédients ainsi que les additifs. A mon sens il manque la composition nutritionnelle pour 100g de produit afin qu’elle soit vraiment complète.

 

3-Yuka

logo_yuka

Tout comme les deux applications précédentes, vous scannez un produit dont vous souhaitez connaître la qualité nutritionnelle. Une note sur 100 lui est attribuée, celle-ci prend en compte le nutriscore à hauteur de 60%,  les additifs présents à 30% puis le fait que le produit soit issu de l’agriculture biologique ou conventionnelle à 10%.

Sont ainsi détaillés les qualités ainsi que les défauts du produit par rapport aux recommandations nutritionnelles du PNNS. L’évaluation se fait alors sur les additifs, les graisses saturées, le sel, le sucre, les protéines et l’apport calorique total. Toujours avec un code couleur, qui permet de savoir si le produit est de bonne qualité nutritionnelle ou non.

Dans ce dernier cas, une alternative ayant une meilleure note globale peut vous être conseillée.

Pour chaque denrée, il y a plusieurs informations :

– une note globale du produit sur 100

– Les apports nutritionnels (pris en compte par le nutriscore)

– Les additifs

– Une alternative plus saine

Je trouve que Yuka est moins complète que les 2 autres applications présentées. On a une note globale mais sans pouvoir comprendre entièrement cette dernière. Tous les macronutriments ne sont pas présentés, nous avons la quantité de graisses saturées mais pas de lipides, la quantité de sucres mais pas de glucides. La liste des ingrédients n’est pas présentée, on ne peut donc pas se rendre compte de la qualité des ingrédients utilisés ni du degré de transformation. Finalement on ne peut pas juger de la qualité globale du produit par nous-même et je trouve cela dommage.

 

Mon avis de diététicienne – nutritionniste

Ces applications nutrition ont été développées dans le but d’aider le consommateur à bien choisir ce qu’il met dans son assiette. L’idée est bonne, il y a tellement de références qu’on est vite perdu ! Est-ce que je prends un gros pot de compote en verre, des pots individuels ou des gourdes pour faire manger des fruits aux enfants ? Sucrée, allégée en sucre, sans sucre ajouté, quelle est la différence ? Il y a écrit source de fibres sur celle-ci, et sans conservateurs sur celle-là… et c’est ainsi dans chaque rayon. Petit à petit, nous prenons nos  habitudes et achetons toujours les mêmes produits. Mais est ce que ces habitudes sont bonnes ?

Ces applications sont à utiliser avec parcimonie. Ne passez pas votre temps à scanner et à remettre en rayon parce que la note est mauvaise. La meilleure façon de faire de bons choix est d’apprendre. Apprendre quels produits sont à privilégier, apprendre à lire les étiquettes, apprendre à différencier un produit brut d’un produit ultra-transformé, apprendre à cuisiner, apprendre à écouter votre faim et à la différencier de la gourmandise.

Pour résumer, faites-le plutôt à la maison, d’abord sur les produits que vous achetez régulièrement et si leur composition est discutable, essayez de trouver une alternative pour la prochaine fois.

 

Vous aimez le chocolat chaud ? Essayez avec du cacao en poudre et un peu de miel ou du sucre complet. Pour la mousse au chocolat la préparation aussi est simple et rapide mais c’est surtout tellement meilleur que la version industrielle. Vous avez besoin de chocolat, d’oeufs, et c’est tout. Pour une version plus gourmande laissez aller votre imagination en ajoutant par exemple des pépites de chocolat, des noisettes concassées ou de la coco râpée.

 

Mas si il fallait en choisir une ? La quelle de ces applications est pour moi la plus intéresante ?

Et bien je dirais Yuka en 3ème place, je n’ai pas du tout été convaincue. Trop peu d’informations et une note ambiguë du fait de la prise en compte du nutriscore à hauteur de 60%. Dommage.

Par contre, difficile de départager les 2 autres puisque chacune ont des points forts : Open Food Fact est la plus complète avec les valeurs nutritionnelles pour 100gr et un accès à la base de données sur ordinateur. Scan Up, il lui manque juste les valeurs pour 100gr sinon l’expérience utilisateur est bonne et l’utilisation de Siga la rend vraiment pertinente. Si je devais en conseiller une, ce serait une de ces deux là.

Si ce sujet vous a plu, voici également une vidéo de Benjamin de Naturacademy.

 

Scanner permet-il vraiment de mieux manger ?

 

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